Figure de l’ombre de l’immigration coréenne aux Etats-Unis, Dora Kim Moon est une héroïne méconnue qui lutta toute sa vie à la protection de sa communauté, à l’éducation des femmes et aux soutient des indépendantistes. Femme profondément pieuse et révolutionnaire, elle porta une vision d’équité dont sa terre d’adoption, Hawaï, chérie toujours la mémoire.

Biographie

Dora Kim Moon

Dora Kim Moon est née dans le royaume de Joseon en 1877.[1] On sait peu de chose de son enfance si ce n’est qu’elle était chrétienne et avait, à ce titre, reçu une éducation religieuse. A l’instar de nombreux coréens de la fin de l’ère Joseon, Dora Moon devait vivre dans une misère croissante si bien qu’elle embarqua pour Hawaï sur recommandation de l’église Méthodiste.

En effet, entre 1903 et 1910 de nombreux sujets du royaume quittent la péninsule pour s’installer qui au Japon, qui à Hawai, qui au Mexique, qui en Californie. Le phénomène prend une telle ampleur que le gouvernement coréen d’alors ordonne des restrictions.

Âgée de 26 ans, Dora Kim Moon aurait débarqué à Hawaï avec la première vague de travailleurs coréens dans l’année 1903. A son arrivée, elle travaille dans les plantations de canne à sucre. Elle prêche aussi en tant que “Bible Woman”. Et semble avoir contribué à l’ouverture d’une école destinée aux enfants de travailleurs. En effet, la culture confucéenne prégnante dans la société coréenne considère que l’éducation des enfants est la clef de leur affranchissement. Bien que durant des siècles, les arts lettrés n’étaient pas accessibles aux castes inférieures, les mouvements religieux et philosophiques de la fin de l’ère Joseon ont poussé de plus en plus de cheonmins et yangmins à s’offrir cette éducation. Et les coréens chrétiens d’alors ont fortement participé à cette transformation culturelle.

La vie à Hawaï

Dora Kim Moon et sa famille –
Début du XXe siècle

C’est ainsi qu’en 1905, Dora Kim Moon ainsi que d’autres femmes ont crée la première Eglise Méthodiste Coréenne. Elles créèrent ensuite le “Club des Femmes Coréennes” dont la finalité était de permettre aux migrantes de recevoir l’éducation à laquelle elles n’avaient pas accès dans leur pays d’origine mais aussi de faciliter l’arrivée et l’installation à Hawaï. En effet, les migrants étaient alors regroupés par nationalité dans des camps.[2] Si les familles pouvaient partager une chambre, les travailleurs solitaires, eux, s’agglutinaient dans des dortoirs. La difficulté de parler la langue des autres communautés[3] dans une île récemment annexée par les Etats-Unis, poussa Dora Kim Moon a accentuer les projets éducatifs des nouveaux arrivants.

Cet engagement déjà très fort auprès de sa communauté s’accroit en 1919, alors que le mouvement du 1er Mars et sa répression pousse les Coréens partout autour du monde à réagir à la colonisation japonaise. Dès lors, Dora Moon Kim monte la Société de Secours des Femmes Coréennes qui organise des protestations à Hawaï contre l’occupation nipponne et envoie du soutient auprès des indépendantistes restés dans la péninsule. Ce mouvement continue d’apporter de l’aide aux femmes et aux enfants en Corée jusqu’à la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

Le prêche comme étendard indépendantiste

En 1931, Dora est nommée par la mission méthodiste d’Hawaï pour devenir prédicatrice. Un an plus tard, elle fonde la Société de Missionnaire Coréen dont la vocation est de diffuser la vision messianique dans la péninsule. Huit ans plus tard, en 1940, la première église méthodiste coréenne compte déjà 400 membres et Dora Kim Moon y occupe une place important. Pendant la Seconde Guerre mondiale, alors qu’elle est âgée de 63 ans, elle rejoint la Croix-Rouge américaine et participe à l’effort de guerre.

La fin de sa vie s’achève paisiblement. Dora Kim Moon s’éteint en 1971 à l’âge de 94 ans à Hawaï après une vie passée veiller sur sa communauté.

Dora Kim Moon aujourd’hui

Si la terre d’Hawaï qui l’accueillit lui rend aujourd’hui régulièrement hommage et que plusieurs historiens et historiennes[1] étudient son histoire comme celles de nombreux autres migrants venus s’installer sur l’île du Pacifique au début du XXe siècle, Dora Kim Moon reste cependant encore méconnue du grand public. La Corée, en pleine redécouverte de son histoire, s’intéresse de plus en plus aux communautés de travailleurs coréens mais le travail de mémoire prend du temps.

Dora Kim Moon incarne cependant une histoire de la Corée aux heures où le pays connaissait ses troubles les plus sombres. Partisane de l’égalité des chances à une époque où ce n’était pas la norme pour une femme, et encore moins pour une immigrante issue d’une minorité, Dora Kim Moon fut décrite par sa propre petite-fille comme “une personne tellement forte qu’à l’église, on la voyait se tenir avec les hommes. Ils respectaient ses convictions. Ma famille disait souvent : “Grand-mère aurait dû être un homme !“[4]”.

Elle reste en tout cas dans les archives des premiers migrants coréens aux Etats-Unis, une figure essentielle, à l’instar de Maria Wang (1865-1937)[5] ou Dora Kim (1921-2005)[6].

Sources : [1]Women in Hawaiian history / [2]University of Hawai / [3]Les communautés à Hawaii / [4] Hawai magazine / [5] The Koreans in Hawaii : A pictural history 1903-2003 / [6] SFGate

Découvrez d’autres Portraits de Diaspora