jeudi movie 3

Le cinéma coréen sort ses gros dossiers

 

Ce jeudi 18 avril sort un film coréen qui va faire parler de lui, Norigae 노리개 (qui se traduit comme « joujou » mais aussi « objet sexuel »), parce qu’il prend la suite de nombreux « films dossiers » sortis récemment, que nous évoquons par la suite. Norigae évoque un scandale que tous les coréens connaissent bien, le suicide de l’actrice Jang Ja-yeon 장자연. En 2009, cette débutante, peu connue, s’est suicidée en laissant une liste de personnalités avec qui elle aurait été forcée de coucher, allant jusqu’à des hommes politiques importants. Un journaliste avait fait éclater l’affaire, qui se poursuit encore en divers procès plus ou moins étouffés.

 

Norigae raconte peu ou prou la même chose, avec des détails et noms différents, tout le monde ayant parfaitement compris l’analogie. Le réalisateur a choisi une structure logique, un long procès au temps présent, coupé par des flashs back à l’époque où la victime est vivante. Le film prend évidemment parti pour la victime et aurait été bouleversant s’il n’avait pas été aussi mal fait.

 

Le comble est que le personnage de l’actrice n’arrive pas à exister, elle ne semble avoir aucune vie, elle n’est qu’une potiche ou, justement, ce que le film est censé dénoncer, un objet sexuel. Les scènes de sexe sont d’ailleurs très gênantes, filmées sans aucune distance critique, encore un comble vu le sujet. Enfin l’ensemble est alourdi par un sentimentalisme qui veut imposer les pleurs au spectateur à coups d’effets très prévisibles.  Le film n’apporte alors rien à réfléchir sur le sujet, puisque tout y est caricatural. On a l’impression d’une idiote innocente et passive, tombée dans des soirées en room salon avec des messieurs qui puent le méchant libidineux à des kilomètres, et elle s’étonne que ça finisse mal… Plus que cette pauvre actrice mal desservie, on retient quand même l’intense performance de l’acteur qui joue le journaliste, Ma Dong-seok, 마동석, et le beau rôle de l’avocate, la seule à être sobre dans ce film excessif.

http://www.youtube.com/watch?v=WES_kxV_tzU

 

Même imparfaits, ces films, les scandales qu’ils évoquent, et la façon dont ils arrivent à se faire, en dit long sur la société coréenne. Le film a ainsi eu du mal à boucler son financement et a dû faire appel à des souscriptions de particuliers, comme auparavant un autre film sur un sujet chaud, 26 Years 26 년. Norigae est également dans la lignée de plusieurs films coréens qui ont eu récemment du succès en s’attaquant à des vrais sujets controversés, comme cela se fait beaucoup aux Etats-Unis. Le plus emblématique est Dogani 도가니 (« Silenced » à l’international), histoire vraie absolument terrifiante dévoilée d’abord via un livre, puis un film. Il est à mon avis mauvais, avec les mêmes lourdeurs que Norigae, mais tout de même plus efficace. Et c’est peu dire que le film a eu un effet, car un procès a été ouvert à propos de l’affaire évoquée. Le dernier film de Im Sang-soo, Taste of Money 돈의 맛, sorti en France, raconte la déliquescence d’une famille type Samsung, mais le résultat n’est là aussi pas à la hauteur du sujet.

 

Plus réussis sont les films ouvertement politiques, parce que animés d’une belle énergie, avec comme symbole récent Unbowed 부러진 화살, qui raconte un procès étrange révélant les failles de la justice coréenne. Enfin les hits indépendants Bleak Night 파수끈 ou King of Pigs 돼지의 왕 traitent d’un autre sujet inépuisable : les relations étouffantes, voire mortelles, dans les écoles coréennes.