Discrète figure de l’histoire coréenne, Kim Jong-Rim (김종림ㅣ金鐘林) fut le premier millionnaire américain d’origine coréenne. Fervent activiste de l’indépendance coréenne au début de la colonisation japonaise, il œuvra toute sa vie pour rendre à la Corée sa place d’état indépendant.
Biographie
Kim Jong-Rim est né à Wonsan, dans l’actuelle Corée du Nord. Appartenant à une famille modeste, on sait peu de chose de son enfance.[1] Il serait né le 19 Janvier 1884 bien que certaine sources fassent mention de l’année 1886. Son père Kim Do-Shik aurait été un paysan pauvre marié à une femme du clan Lee. En 1894, le Japon s’impose sur la péninsule coréenne en remportant consécutivement les guerres contre la Chine (1894-1895) puis contre la Russie (1904-1905). Un premier traité celui de Shimonoseki, rend la Corée officiellement indépendante de l’empire des Qing. Après la défaite Russe, le Japon impose à la Corée de signer le protectorat du 17 Novembre 1905.
Kim Jong-Rim entre alors dans la vingtaine. En 1906, alors qu’il a entre vingt et vingt-deux ans, il embarque pour Hawaï au sein d’un des derniers navires d’immigration. En effet, de nombreux coréens ruinés ou trop pauvres, quittaient alors la péninsule espérant pouvoir rembourser leurs dettes ou s’enrichir à l’étranger. Rejoignant les diasporas asiatiques de la côte Ouest des Etats-Unis, leurs histoires furent longtemps méconnues. Arrivé à Hawaï, Kim Jong-Rim travaille dans une plantation de cannes à sucre. En 1909, il rejoint la Californie et s’engage en tant qu’ouvrier. Il rejoint notamment la compagnie de chemin de fer de Salt Lake où il travaille plusieurs années avant de rejoindre les villes de Visalia et de Freno dans le comté de Californie. C’est à cette époque qu’il s’engage auprès des associations locales coréennes. Économisant comme il pouvait, il donnait régulièrement de l’argent aux associations indépendantistes et faisait des dons aux journaux de presse coréenne.
L’ascension du Roi du Riz
En 1910, profitant de son expérience dans l’agriculture, il commença à louer des terres où il construisit des vergers d’oranges et des vignes . Il commença aussi à cultiver des légumes et des pommes de terre. Grâce aux profits de ces récoltes et ses économies de son travail ouvrier, il parvint à ouvrir un magasin à Stockton en 1911. Un an plus tard, Kim Jong-Rim se lance dans la riziculture à Priceton. La terre qu’il parvient à acheter est un amas de cailloux et la première année , il ne récolte que des gravas. C’est presque 6200 pierres qu’il retire de ses 100 acres de terrains. La récolte de riz débute enfin entre 1915 et 1916.
Des circonstances propices lui sourient alors que la Première Guerre Mondiale fait rage. Le prix du riz ne cesse d’augmenter. L’agriculteur est désormais vu comme un homme d’affaire et la communauté coréenne le surnomme “le roi du riz”. L’âge d’or de Kim Jong-Rim débute alors. Le 10 mars 1918, il épouse Alice Baek(백엘리쓰), une coréenne de deuxième génération fille du dentiste Choi Won-Hee. Leur mariage, célébré en grandes pompes, avait alors coûté 5 000 dollars.[2]
Kim Jong-Rim, l’activiste
Kim Jong-Rim ne se contente pourtant pas de travailler la terre et de commercer, il participe activement aux mouvements d’indépendance naissants. Il intègre le mouvement politique Heungsadan[3]. Il envoie 3400 dollars à l’Assemblée Nationale Coréenne en 1919. Membre de plusieurs associations de lutte pour l’indépendance mais aussi d’aide à l’emploi aux coréens de Californie, il investit dans des projets comme celui porté par No Baek-Rin (노백린) visant à créer une école d’aviation coréenne. L’école Willow ouvre en Californie en 1920. Grâce à l’investissement de 30 000 dollars qu’effectue Kim Jong-Rim, l’école se dote de 2 aéronefs.
Photographie des membres de Heungsadan en 1913
Malheureusement, plusieurs inondations en novembre 1920 mettent à mal la riziculture. Kim Jong-Rim fait faillite en avril 1921 et l’école, perdant son principal parrain, finit par fermer durant l’été de la même année. Kim Jong-Rim continua de vivre en tant qu’agriculteur jusqu’à sa mort en 1973[5]. Il n’arrêta pas non plus ses activités politiques et entreprit la création d’une école de langue coréenne dans les années 1930. Après l’indépendance, Kim Jong-Rim a organisé une collecte de soutien au gouvernement provisoire. Passé la soixantaine, il continuait de travailler dans les rizières et participait à des activités sociales comme la création d’orphelinat, de maison de santé. Il mourut le 26 Janvier 1973 dans une maison de retraite qu’il avait lui-même contribué à financer. En Avril 2009, ses restes furent inhumés à Daejeon en Corée du Sud.
Ses fils participèrent à la Seconde Guerre Mondiale mais la famille resta longtemps oubliée jusqu’à ce que le gouvernement de la République de Corée (Corée du Sud) ne les honore en 2005. La reconnaissance accordée à Kim Jong-Rim, n’arriva aux oreilles de ses enfants et petits-enfants qu’en 2008.
Kim Jong-Rim aujourd’hui
Kim Jong-Rim reste encore aujourd’hui une figure méconnue même dans son pays natal. Il n’en demeure pas moins l’un des premiers coréens à avoir fait fortune à l’étranger et à avoir contribué activement à la politique de son pays natal. En 1971, deux ans avant sa mort, il reçut une mention élogieuse de la part du ministre des Affaires Etrangère Kim Yong-Shik, pour son travail de convergence à la société coréenne. En 2005, Kim Jong-Rim reçut à titre posthume, la médaille nationale du mérite.
Comme Kim Jong-Rim, ils furent plusieurs milliers de coréens à migrer aux Etats-Unis entre 1903 et 1949[6], participant à la première vague de migration coréenne aux USA. En 1905 ce sont près de 8000 coréens qui arrivèrent à Hawaï. Puis jusqu’en 1924, deux milliers de migrants coréens arrivèrent progressivement. Des restrictions furent imposées concernant la migration asiatique à partir de 1924 mais les intellectuels coréens continuèrent d’affluer notamment dans la ville de Boston où la “Boston League of Friends of Korea” fut fondée. Au milieu des années 1930, les coréens de deuxième générations se sont aussi retrouvés à Los Angeles.
Photographie d’une famille coréenne installée à Hawaï, début du 20e siècle[7]
Un article d’Hélène Casado
Sources :
[1] Encykorea, Lee, Myung-Hwa (Institut de recherche de l’Independence Hall), 2013 [2] Chosun.com, Han Woo-sung Fun Journaliste, 2009 [3] contents.history.go.kr [4] Blog Daum Dr Sam Lee, American History,2014 [5] Encyclopédie de la culture ethnique coréenne [6] Boston University, Soojin Chung [7] Distinctive Women of Hawaïan history, Julie Rancilio, 2013