INTRODUCTION

Dans cet article, je vous explique trois principaux faits menant à la politique d’isolement de la Corée au 19ème siècle. Il vous apportera ainsi les informations nécessaires à la compréhension des choix politiques du roi Gojong ainsi que des conséquences internes et externes pour l’Empire coréen.

Heungseon Daewongun, père du roi Gojong. Source photo: www.koreatimes.co.kr

1) BREF CONTEXTE POLITIQUE DE LA CORÉE: 1810 à 1866

Le 19ème siècle marque une période de déclin politique pour la Corée. En effet, les revendications paysannes se font de plus en plus ressentir en partie dû à la grande famine de 1810. La production annuelle des fermes était insuffisante car les paysans étaient incapable de fournir les quantités nécessaires à la population due aux manques d’aide de l’Etat. Cette période a vu l’apparition des premières révoltes paysannes du 19ème siècle, lesquelles ont duré jusqu’en 1860, avec l’apparition du mouvement Donghak. Malgré l’ouverture de la Chine aux marchands étrangers, suite à la guerre de l’opium de 1839 à 1842, et du Japon en 1853, la Corée fut le seul royaume à continuer sa politique isolationniste en gardant les portes de ses frontières fermées à tout étranger.

En 1866, un navire marchand, dénommé General Sherman, légèrement armé et appartenant à la marine militaire américaine, exprime son souhait d’entrer en Corée via la porte Geubsa, porte donnant accès au fleuve Taedong menant donc à Pyeongyang. Le prétexte américain est de rejoindre la mer de l’Est pour faire du commerce avec la Russie. Plusieurs demandes sont faites auprès du gouverneur de Pyeongyang, Park Gyusu (1807-1877), mais celles-ci sont toutes refusées. Dans l’attente des réponses, les Coréens envoient l’officier chargé de porter assistance aux marchands américains, Yi Hyonik.

Impatient de pouvoir entrer en Corée, les marins américains décident de le capturer et c’est ce qui scellera leur destin ainsi que celui de la Corée bien des années plus tard. Les marins lancent un ultimatum au gouverneur Park, tout en maintenant prisonnier Yi Hyonik. Le navire entre ainsi en Corée sans autorisation. De nos jours, et presque 150 ans après, il subsiste toujours un doute à propos de la nation qui a ordonné l’attaque en premier et qui a déclaré la guerre.

Bien entendu, les Coréens affirment que ce sont les Américains et les Américains ripostent en affirmant le contraire. Toutefois, pour en revenir aux faits, une fois le navire américain à Pyeongyang, il fut attaqué pendant 4 jours à coups de fusil, flèches en tout genre (Hwacha et Singijeon) et de canons. Les assauts de l’armée Joseon et le pilonnage des canons des forts coréens se trouvant le long du fleuve Taedong ont mis le navire américain dans un sale état, malgré sa conception en métal. C’est notamment le célèbre navire réputé imprenable, le Geobukseon, et quelques Panokseon en support, qui feront sombré le navire occidental dans les eaux de fleuve Taedong. L’armée de Joseon était directement commandée par Park. Toutefois, nous savons aujourd’hui que l’officier Yi Hyonik a pu s’échapper avant que le navire américain coule.

Heungseon Daewongun, le père du roi Gojong, après avoir félicité Park Gyusu pour avoir résisté aux américains, renforce militairement ses frontières. C’est cette bataille qui marquera le début de la fin de l’isolationnisme de la Corée. Le pays connu, peu après, de nombreux conflits avec les puissances étrangères telles que les États-Unis, la France et le Japon.

Portrait peint du gouverneur Park Gyusu (1807-1877)

Portrait peint du gouverneur Park Gyusu (1807-1877)

photo unique du navire américain USS général Sherman en 1864

photo unique du navire américain USS général Sherman en 1864

2) EXPÉDITIONS PUNITIVES FRANÇAISE ET AMÉRICAINE: 1866 et 1871

En 1866, les marins français débarquent en Corée suite au massacre de missionnaires français. Dans un premier temps, ils perdent la bataille face à l’armée coréenne. En 1871, les Américains reviennent en expédition punitive suite à la destruction du General Sherman. La marine américaine bombarde les forts coréens situés sur l’île de Ganghwa afin de débuter une phase de débarquement menant à une attaque rapide vers et sur la forteresse principale de Pyeongyang. Celle-ci est en fait le centre d’opérations militaires commandé par Park Gyusu pour l’entièreté du territoire coréen.

Une première “tête de pont” est établie suite au débarquement des marines américains sur l’île de Ganghwa, menés au combat par l’Amiral John Rodgers. Malgré les pertes massives coréennes ainsi que la mort du commandant Eo Jae Yeon, Heungseon Daewongun ne prend aucune mesure pour changer sa politique d’isolement. Toutefois, il demande un “cessez-le-feu” et exprime la volonté de ne plus attaquer les navires étrangers.

3) LE JAPON CONVOITE LE ROYAUME CORÉEN

Quatre années passent et le 20 septembre 1875, c’est au tour du Japon d’envahir la Corée. Cela fait office de 3ème bataille de Ganghwa. Après de rudes combats, les coréens sont défaits par les troupes impérialistes japonaises et non seulement la Corée est soumise à la dictature et à l’ouverture commerciale, mais celle-ci est un prémisse à la colonisation japonaise du pays  partir de 1910.

En 1875, Min Ja-Yeon, alors âgée de 24 ans, commençait à s’intéresser à la politique interne de son pays et aux problèmes avec les étrangers. À la différence d’Heungseon Daewongun, tourné pro-japon, elle ne soutenait pas la diplomatie avec ce pays d’outre-mer, le considérant comme le plus grand ennemi de la nation coréen, et ce, depuis les tentatives d’invasion datant du 16ème siècle (guerre de l’Imjin).

Campagne militaire américaine de Ganghwa en 1871

PREMIER FAIT: INCIDENT IMO 1882

Celui-ci se réfère à un coup d’État mené par une partie de l’armée coréenne, le 23 juillet 1882. D’une part, il eut lieu suite à la présence japonaise en Corée depuis la signature forcée du traité de Ganghwa en 1876. Celui-ci stipulait que la Corée redevenait indépendante de la Chine, et qu’à l’instar elle devenait tributaire du Japon. Il stipulait aussi que les troupes japonaises quitteraient la Corée après que le royaume se soit ouvert commercialement à l’Empire du Japon. Toutefois, un petit contingent militaire restait en Corée sous prétexte d’application correct du traité. D’autre part, l’incident fait suite à la réforme du roi Gojong en vue de moderniser la Corée d’un point de vue politique et militaire.

Les rebelles coréens menèrent des actions contre le Japon mais également contre les collaborateurs coréens qu’ils assassinèrent avant d’occuper le palais royal, le Changdeokgung. Un sentiment anti-japonais s’installa au sein de ces troupes rebelles, et, au fur et à mesure, au sein de la population. C’est ainsi que des partisans civils se joignirent à eux, et prirent les armes. Après l’assassinat de plusieurs civils japonais présents à Hanseong (actuellement Seoul), le Japon envoya plusieurs bataillons pour mâter cette révolte.

Actuellement, il existe un débat quant à savoir qui fut à l’origine de cette révolte. Aucun historien n’est en mesure de le dire mais la plupart d’entre eux penchent pour la reine Min. Elle aurait supporté les troupes rebelles (officieusement) et au vu de la mort de centaines de personnes innocentes en Corée, cette attaque pourrait avoir accentué la détermination de la reine Min à chasser les Japonais de Corée. Par ailleurs, nous savons aujourd’hui qu’elle fit la demande à la Chine d’intervenir conjointement auprès des rebelles car le but visé était aussi d’écarter Heungseon Daewongun du pouvoir. C’est d’ailleurs elle qui ordonna son arrestation par les Chinois. Il passa ainsi trois années en prison en Chine, accusé d’avoir collaboré avec l’ennemi numéro 1, l’Empire du Japon.

Soldats coréens lors de l’incident Imo en 1882

DEUXIÈME FAIT: INCIDENT GABSIN ET LE GAEHWAPA 1884

L’incident Gabsin est un coup d’État mené par des activistes gouvernementaux et pro-japonais, et connu sous le nom de Parti “Gaehwapa”. Leurs chefs furent Kim Ok-Gyun (1851-1894) et Park Yong-Hyo (1861-1939). Ceux-ci prônaient l’ouverture totale de la Corée tout en éliminant la distinction de classes sociales, en ciblant principalement les privilèges donnés aux Yangban (classe politique riche et dominante).

En tentant de moderniser la Corée par le biais des échanges commerciaux et militaires avec le Japon, ils faisaient face aux gouvernementaux coréens, alors pro-chinois, tournés vers un retour aux valeurs traditionnelles et confucéennes liées à la Chine. Ces gouvernementaux étaient toujours présents à la cour royale et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Kim et Park lancèrent leur rébellion le 4 décembre 1884. De nouveau, il se pourrait que ce soit la reine Min qui demanda en secret une intervention chinoise pour la stopper.

Nous savons qu’à ce moment là que Kim Ok-Gyun survit à la répression sanglante de l’armée chinoise commandée et menée par le général Yuan Shikai. Ensuite, il s’exila tout d’abord au Japon avant d’être retrouvé en Chine et d’être assassiné à Shanghai en 1894 par un agent secret coréen, lequel aurait été envoyé par la reine Min.

Kim Ok Gyun, fondateur du mouvement Gaehwapa et rebelle pro-japonais lors de l’incident Gabsin

TROISIÈME FAIT: CONVENTION TIANJIN 1885

Rappel: Il ne faut pas confondre la convention de Tianjin de 1885 faisant suite à l’incident Gabsin entre la Chine et le Japon, et le traité de Tianjin de 1885, faisant suite à la guerre franco-chinoise.

C’est suivant l’intervention chinoise lors de l’incident Gabsin que la Corée devint de nouveau tributaire de la Chine de 1885 à 1894 et connu en 1885, un nouveau traité de paix avec le Japon suite à cet incident (traité de Hanseong). La Chine était représentée par Yuan Shikai et Li Hongzhang, et le Japon était représenté par Ito Hirobumi.

Ces commandants acceptèrent de retirer leurs troupes suivant la convention de Tianjin. Cependant, Yuan Shikai décida de rester en Corée en tant que Gouverneur Ambassadeur jusqu’en 1894, juste avant le déclenchement de la première guerre sino-japonaise. La convention de Tianjin stipulait en partie que le roi Gojong devait impérativement instruire son armée avec l’aide de nations étrangères autre que la Chine et le Japon, et qu’aucune de ces deux nations ne pouvait intervenir en Corée sans l’accord de l’autre si un problème survenait.

Toutefois, la guerre sino-japonaise de 1894-1895 met fin à la possibilité pour la Chine de protéger la Corée. Cette victoire permet au Japon d’imposer la condition de ne jamais intervenir en Corée, annulant alors la convention de Tianjin et donnant de plein droit la mainmise par le Japon sur le royaume coréen.

Thomas Galant

Sources:
Mes notes personnelles
EBS 교육방송교재, auteur 김대식
Annals of the Joseon Dynasty

Sources photos:
www.korea815.org
kr.newtopic.org
www.koreatimes.co.kr
www.artistpreservationgroup.com