Le festival du cinéma coréen de Paris, qui a lieu du 29 octobre au 5 novembre, propose de nouveau un programme ambitieux, parce que faisant un beau grand écart entre films commerciaux honnêtes (ainsi le film d’ouverture, le mélo « Hope » 소원, qui vient de sortir en Corée, ou la comédie « All about my wife » 내아내 모든 것) et des films plus difficiles qui démontrent une vraie démarche de programmation exigeante. Les festivals dédiés à la cinématographie d’un pays ne font pas toujours cela, se contentant souvent de faire un showcase avec ce qu’on veut bien leur donner.
Quelques films majeurs de 2012/2013
Eunkyo, 은교 Film populaire en en même temps très exigeant tellement il se sort de nombreux écueils. Il a révélé une actrice irradiante et nous rappelle qu’un film avec l’acteur Park Hae-il ne peut jamais être mauvais. Il ne faut pas aller le voir à reculons au vu du sujet assez casse-gueule, l’amour d’un vieux poète avec une fille de 18 ans. Nous en faisions l’éloge ici lors de sa sortie en Corée.
2 Dear Dolphin, 환상속의 그대 Un de nos coups de cœur de 2013 que nous évoquions ici (en anglais), film imparfait mais qui a du culot, que beaucoup jugent bouleversant. Tout le monde s’accorde au moins sur le jeu d’acteurs, d’une subtilité incroyable malgré la lourdeur du sujet. La réalisatrice, Kang Jinah, 강진아, avait été primé au festival pour son court métrage en 2010 et sera présente au festival.
3 Pluto, 명왕성 Présenté dans un hommage à sa réalisatrice, Shin Su-Won, 신수원, en sa présence. Puissante allégorie sur un sujet maintes fois évoqué en Corée, l’enfer de l’école minée par la compétition. Critique ici.
3 Fatal 가시꽃 Autre film qui évoque un fait de société récurrent dans les écoles coréennes, les viols collectifs. Il le fait d’une façon subtile, avec des acteurs débutants très touchants.
4 Jiseul, 지슬 Succès indépendant surprise du cinéma coréen cette année, un film qui vient de l’île de Jeju et raconte un fait historique d’une rare violence, avec un grande économie de moyens. Très beau et exigeant.
Deux regards d’étrangers sur la Corée
5 Finding Joy. On va pas mentir, le réalisateur, Neil Dowling est une connaissance avec qui nous avons plusieurs points communs, notamment d’être des réalisateurs étrangers ayant filmé en Corée du Sud sans soutien financier, et le festival s’est toujours ouvert aux films réalisé par des étrangers en Corée du Sud. Finding Joy a ses maladresses mais son histoire est magnifiquement filmée et portée par des acteurs convaincants.
6 La Chica del Sur, réalisé par le chilien José Luis Garcia, est un autre exemple de cette ouverture. Nous ne l’avons pas vu, cela semble un très curieux film avec un sujet très fort
Ha Gil-dong, grand réalisateur censuré des années 70
7 Le festival met aussi en avant un réalisateur méconnu, qui a subi une forte censure dans les années 70, Ha Gil-jong, 하길종. Sur les trois films présentés, l’un est célèbre dans l’histoire du cinéma coréen, La marche des fous, 바보들의행진. Plusieurs de ses chansons sont devenus des classiques du rock coréen. Le film avait été amputé de 20 minutes qui tentait de vider l’aspect le plus sombre du propos (ainsi le suicide d’un des personnages) et ne garder que la romance, alors que le film original est une peinture désenchantée de la jeunesse de l’époque, le romantisme étant mélancolique. Les bobines perdues ont été retrouvées et le film restauré dans sa version originale, celle qui est montrée au festival.
La censure n’est pas une vieille histoire en Corée. Le festival n’a pas ainsi pu montrer un film politique majeur de 2012 qu’il souhaitait présenter en France, National Security, que nous évoquions ici. Les raisons sont clairement politiques selon les programmateurs, ce film, avec un autre film de 2012 tout aussi politique, 26 years, étant même bloqué pour tout l’international. Ils évoquent les années 80, mais avec une rage expiatrice puissante qui ne les aident pas à trouver bonne grâce auprès la fille à papa devenue présidente, Park Geun-hye.