Nous avons découvert le travail artistique du photographe WooJung Park à Séoul lors de son exposition Plastic Lovers en 2017. Depuis, nous nous sommes recroisés à Paris à plusieurs reprises à l’occasion d’événements artistiques en lien avec la Corée. Enfin, nous avons réussi à prendre le temps de découvrir le parcours atypique de cet artiste. Nous avons le plaisir de vous le restituer le plus fidèlement possible en évitant, bien sûr, les retouches et les clichés !
Une jeunesse épique
Quatrième et dernier enfant d’un couple de paysans habitant dans les environs de Busan, WooJung se décrit comme un mauvais élève pendant toute sa scolarité. Bien que travailleur, il reste toujours le dernier de sa classe car il est incapable de mémoriser quoi que ce soit. Cependant il a une capacité de compréhension très développée. La Corée est un pays qui repose sur le confucianisme et le conservatisme et qui attache beaucoup d’importance à la mémoire mais beaucoup moins à la faculté de comprendre et d’analyser. Le système scolaire coréen ne convient pas à WooJung. Celui-ci montre cependant de bonnes dispositions pour le dessin.
Vers la fin de son service militaire de 28 mois dans l’armée de terre, le jeune homme réfléchit à son avenir. Il réalise qu’il n’y a pas de futur possible pour lui en Corée. En effet, il ne possède aucun diplôme et se voit bien devenir artiste. ! WooJung pense que c’est l’étranger qui répondra à ses aspirations. Il travaille à droite et à gauche de manière acharnée pendant un an. Il économise ainsi suffisamment pour se donner les moyens de partir.
Douce France
Quand on demande à WooJung Park pour quelles raisons il a choisi la France, l’une de ses réponses ne nous surprend guère. Comme beaucoup, il a une vision fantasmée de la France, de Paris, de ses artistes, de l’ambiance…. Sa deuxième réponse nous étonne davantage . C’est le film L’effrontée qui l’a conquis et tout particulièrement Charlotte Gainsbourg !
C’est ainsi qu’il débarque à Lille en septembre 1996, ne parlant ni français ni anglais. Mais il a une certitude dès son premier jour en France, il se sent dans son élément. Installé dans une résidence universitaire, il se fait très vite des amis français ! C’est à leur contact qu’il arrive à assimiler la langue française.
En avril de l’année suivante, il passe le concours des Beaux-Arts à Valence et à Nancy sans aucune préparation. Ces concours consistent en un temps d’épreuve puis en un temps d’entretien. Si cela se passe très mal à Nancy, c’est tout le contraire à Valence. Il réussit à y intégrer l’école des Beaux-Arts. C’est son premier succès scolaire ! La première année, il y fait aussi la connaissance d’ une française, Camille, qui deviendra sa femme. Les quatre autres années d’études se passent très bien.
La vie n’est pas un long fleuve tranquille
Afin de devenir un artiste, WoJjung nous explique qu’à ce moment-là de sa vie, il estime qu’un artiste ne réussit que s’il possède du talent, de la persévérance mais aussi de la chance ! Il pense que la persévérance prime sur le reste mais il est loin d’être persévérant… Le jeune Coréen a besoin d’excitation en permanence et n’arrive pas à se fixer sur un projet en particulier. Il fonctionne au coup de cœur et entreprend des projets et différents métiers en même temps sans arriver à se fixer précisément.
S’il a touché à la peinture, à la photo et à la vidéo pendant ses études artistiques, il ne ressent pas particulièrement d’attraits pour ces pratiques. Il est pourtant sorti diplômé des Beaux-Arts avec les félicitations du jury pour la réalisation d’un film. Il aurait pu intégrer l’école Le Fresnoy à Tourcoing mais il a d’autres envies à cette période-là.
2002 marque, en effet, un véritable tournant dans la vie de notre artiste. Il a 3O ans et se pose beaucoup de questions existentielles. Il suit des cours de philosophie à la Sorbonne pendant deux ans qui lui confirment une nouvelle fois que le système académique ne lui correspond pas. Il pense pouvoir trouver une solution à son questionnement permanent en se consacrant à l’étude des sciences mais son niveau de mathématiques ne lui permet pas d’intégrer une faculté de sciences. Il lit beaucoup de livres scientifiques et enchaîne les petits boulots pour survivre : épicier, guide, interprète. Il met de côté sa fibre artistique et oublie photos, scénarios, écrits qui ponctuellement refaisaient surface sur son temps personnel.
Le constat est sans appel. Ses ambitions d’artiste sont passées à la trappe car le quotidien a pris le pas sur tout le reste.
Une nouvelle chance
En 2011, un nouveau tournant se profile enfin. Un ami, photographe de mode, sollicite WooJung pour l’assister lors d’un shooting. Une étincelle d’excitation refait surface. Woojung prend quelques cours de photographie mais se forme essentiellement seul sur son temps libre. Il continue ses activités alimentaires à côté et recommence à perdre sa raison de devenir artiste. Le futur photographe se laisse un an pour réussir !
En 2012, il arrête tout et se lance en tant que photographe de mode professionnel indépendant. Il obtient assez rapidement des projets commerciaux et s’épanouit dans son nouveau métier. Enfin WooJung a trouvé sa voie ! Son activité commerciale et sa clientèle se développent rapidement dans les années qui suivent.
Vers 2015-2016, le photographe prend le temps de se consacrer à des projets plus personnels et artistiques et va se mettre à exposer régulièrement à partir de 2016 à Séoul.
Le retour de la Corée
WooJung Park ne fait aucune allusion à la Corée pendant sa vie en France et n’éprouve pas le besoin de l’évoquer autour de lui. Le retour aux racines va se faire par l’intermédiaire de l’association Sonamou qui rassemble des artistes coréens. Il va adhérer à cette association en tant qu’artiste. Il renoue avec le milieu coréen et cela lui permet de se créer un réseau artistique. Cela va lui permettre d’inaugurer sa première exposition de photographie « Passage » à Séoul.
Il découvre alors la capitale de son pays d’origine, Séoul, et c’est le coup de foudre ! Il explore cette ville qui monte puissamment au niveau culturel et prend la décision d’ y retourner le plus souvent possible pour exposer, développer davantage son réseau, se promener et profiter des loisirs de la ville. Busan reste cependant pour lui la ville la plus agréable et la plus originale de la Corée du Sud. Elle offre une grande diversité de paysages : ville, campagne, mer, montagne. Sa culture est en marge car elle est le reflet de l’héritage du commerce portuaire avec aussi bien le passage des marchands japonais, des Russes mais bien d’autres aussi…
Plus le temps passe et plus notre photographe aime s’attarder en Corée. Il se rend même quatre fois en Corée en 2022. Particulièrement en adoration devant le hanbok, il apprécie les projets qui mettent en valeur le costume traditionnel coréen. Il va notamment collaborer avec l’artiste Kim Hyun Jung dans ce dessein.
Une approche empreinte de philosophie
Toujours en mouvement et toujours en proie à des questionnements existentiels, Woojung Park puise son inspiration dans la philosophie. Le logo de l’artiste est une référence directe à Spinoza : CAUTE.
Sa série « Passage » s’inscrit dans le métro et met l’accent sur un lieu souterrain à part, où les codes habituels qui régissent les sociétés sont bouleversés. La notion de temps, l’uniformité et l’absence de liens humains s’opposent totalement aux habitudes de la surface terrestre.
« Plastic Lovers », en 2017 et «PARK’S CLINIC, The future of Beauty and The Clinic of Doctor PARK » en 2021 nous interrogent sur la beauté, l’apparence, les critères et les idéaux. Comment distinguer le vrai du faux ? Pourquoi a-t-on besoin d’ un idéal, pourquoi des critères ? Que cherche-t-on à travers la beauté physique absolue ? Et si la vérité était bien ailleurs ?
Plastic Lovers
PARK’S CLINIC, The future of Beauty and The Clinic of Doctor PARK
« Chemins croisés » est une série réalisée en collaboration avec sa femme Camille. Elle conjugue la photographie de WooJung et la palette d’artiste de sa femme. Leurs corps communient entre eux, s’emmêlent ou se déchirent à travers un microcosme organique d’une finesse absolue. Les relations humaines, la beauté éphémère, l’usure du temps, les émotions sont saisissantes dans cette série.
Ce n’est pas la première collaboration du couple qui a déjà d’autres projets en tête.
Woojung Park travaille également sur un projet de nature morte avec des fleurs en utilisant le processus de la Camera Obscura.
L’excitation de la vie
C’est l’excitation qui permet à WooJung Park d’avancer sur ses différents projets. Ce mot est indissociable du photographe qui l’utilise indéfiniment. Incapable de se poser, sauf quand il s’agit de travailler ou de boire un verre, il fourmille d’idées et se lance souvent dans plusieurs projets de manière simultanée. Les confinements liés à la Covid ne l’ont pas arrêté : caméraman pour KBS ( liberté de circulation donc), lancement de deux chaînes Youtube ( sur la Corée et la photographie)…. La vidéo devient un média qu’apprécie de plus en plus WooJung au niveau professionnel et personnel.
Parmi tous ces projets et ces différents médias qui s’entrecroisent inévitablement, une nouvelle envie très excitante est en train de germer dans l’esprit du photographe, vidéaste : écrire un roman…
Un nouveau cadre en perspective à suivre de près !
Annexes
Afin de mieux découvrir le travail de WooJung Park, nous vous invitons à explorer les liens ci-dessous :
Site Officiel : woojungpark.com
Instagram : @caute.woojungpark (Instagram Artiste)
@akka.woojungpark (Instagram Photographe de mode)
@studiogodot (Instagram Filmmmaker)
Facebook : https://www.facebook.com/cautewoo
Youtube : https://www.youtube.com/@aKKaPARK (sur la photographie en coréen)
https://www.youtube.com/@uncoreenaparis (sur la culture coréenne en français)
Nous vous invitons également à faire un petit détour sur le site de Camille Mercandelli – Park, sa femme : http://camillepark.com/
Toutes les photos de cet article nous ont été transmises par WooJung Park et ne sont donc pas libres de droit.
Nous tenons à remercier WooJung Park pour le temps qu’il nous a accordé malgré son emploi du temps chargé et attendons avec impatience l’éclosion de ses futurs projets.