J8

Des vagues divaguent.

Les rythmes de l’accoustique à l’américaine battent dans mes oreilles. Mes pas, suivent le son, suivent les notes, et dénotent ma différence. Ma démarche, mon look, proche du new yorkais, me font penser que je suis étranger ici, dans un de mes pays. J’oublie parfois que je suis asiatique.

Peut-être m’étais-je dit que j’allais me sentir chez moi. Finalement, il n’y a qu’un seul endroit où je me sens dans mon cocon, dans mon refuge… les gens appellent cela “souvenirs”. J’appelle ça “trésor”. Intime, rassurant parfois, et finalement se sentir chez soi, c’est sentir des racines. Pour un apatride, les racines sont immatérielles.

C’est la nuit, à l’heure où je vous écris, un thé à portée de main, le paysage des tours, vu du ciel, à portée de rétine, rien ne retient mon inspiration pour ce texte plus intime, qui me parodie peut-être, comme si un mime essayait de transpercer son mur imaginaire. Mon regard se perd au loin, une faible lumière en guise de témoin, j’écris. J’écris depuis longtemps, sans être vraiment sûr d’un talent particulier. Et finalement, peu importe le talent. Le seul talent que nous avons est de vouloir exister. Ecrire, c’est aussi exister.

La playlist de mon téléphone vibre, délivre tantôt du rap américain, ou un dièse d’un vieux rap français, ou un bémol d’une musique folk US, sur un “do” léger de kpop… L’électro me fait penser que je dois aller faire du sport dans ce monde d’apparences, je prends soin de jouer le jeu. En ce moment, ce sont les tambours de la musique indienne qui me font vibrer.

J aime parfois tapoter un texte sans raison, sans story, juste écrire, retranscrire un moment, un sentiment, une brise d’instant, jamais distant de la réalité, distinct de la raison, une sorte de liberté intuitive, instinctive. J’aime jouer avec les mots, manipuler le verbe, conjuguer ce qu’on ne peut que raconter qu’avec une réduction, une sorte de cuisine fusion, une histoire, une tambouille.

Mes nuits sont toujours courtes, résultantes d’une vie remplie. Remplie de quoi? Remplie de moi, remplie de toi, remplie d’idées, remplie de projets, remplie du passé… et on rempile pour la future journée.

Ce soir en rentrant, les lumières m’ont rappelé des souvenirs lointains, le froid baffait mon visage de manière à se souvenir d’aimer la vie. Dans ma poche, toujours une pièce japonaise, souvenir d’un cadeau fugace, un porte- bonheur, un geste d’honneur.

Sous les notes de “The meadow, new moon”, je me rend compte que la vie vous caresse peu. Elle vous percute, laisse des séquelles, modifie votre Adn… “River flows in you”, me rappelle comment le regard des disparus vous bercent encore, leurs sourires vous touchent encore, leur peau vous manque encore, l’odeur de leurs cheveux sous votre étreinte vous bouleversent encore, vos sentiments aussi beaux soient-ils, ne vous laissent, un jour, que des “ainsi soit il”, et le jour suivant, qu’un sentiment si puissant qu’il vous rend impuissant.

J imagine le pianiste effleurer ses touches, laissant son public touché. “Nuvole bianche” est d’une tristesse positive porteuse d’espoir. Il y a quelque chose de beau dans l’espoir. Il n’y a qu’une ressource qui se régénère et qui ne disparaît pas tant qu’un cœur bat. C’est l’Espoir.

Avez-vous écouté “Silence” de Beethoven ?

L’équilibre parfait de la nuance, un fil de légèreté qui s’empêtre dans la lourdeur du malheur, une répétition de vie musicale, un déroulement de notes. Si le silence a ce son, je comprends pourquoi le silence est d’or. A ce moment de mon écriture nocturne, mon regard fixe des néons violets… une impression de film de mafieux des années 80, le syndicat du crime, the killer… du polar john woo, une nostalgie asiatique que seul nous, nous savons créer. Nous avons une sorte de résignation naturelle face au destin.

Ma ballade musicale se termine sur jp cooper, satellite. Et là je t imagine lire toute ces lignes, sur ton smartphone ou ton ordinateur. Oui toi. Toi avec qui je tisse un lien invisible, temporaire. Toi qui vient de partager cette route intime, toi qui continuera sur ton chemin de vie, et moi qui vais m’arrêter dormir sur le bas-côté.

Ryosei

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