A l’occasion de la sortie de son livre ” Les 30 meilleures façons d’assassiner son mari”, Seo Mi-Ae était de retour en France pour assurer la promotion de celui-ci en compagnie de son éditeur français Matin Calme. Nous avons eu le plaisir de la retrouver lors d’une rencontre organisée par la Librairie Le Phénix à Paris le 18 novembre. Nous vous avons résumé les échanges avec l’auteure coréenne.
“Les 30 meilleures façons d’assassiner son mari”
Ce livre marque les débuts littéraires de Seo Mi-Ae, scénariste pour films cinématographiques et télévisés. C’est en participant à un concours littéraire pour un journal qu’elle décide de dévoiler ses talents d’écriture au grand jour. Son recueil de nouvelles est très bien accueilli et elle est rapidement contactée par un metteur en scène. L’adaptation de son recueil sous forme théâtrale est un vrai succès dans le quartier Daehangno de Séoul. Le recueil, publié postérieurement à l’adaptation théâtrale, a su capter l’attention des lecteurs coréens. Des étudiants ont encore rejoué la pièce dans un cadre universitaire, l’année dernière.
La famille, une source d’inspiration
Dans les différents livres de Seo Mi-Ae, la complexité des liens familiaux s’inscrit au fil des pages. En effet, la cellule familiale occupe une place prépondérante en Corée. La famille est une micro-société à laquelle le nouveau-né se confronte et à laquelle tout le monde appartient. L’enfance et l’environnement dans lequel on grandit, sont essentiels à la construction de la personnalité. Ces éléments majeurs permettent de percevoir le monde et de décider quelle vision on peut en avoir. La psychologie de l’enfance n’est pas assez prise en compte dans nos sociétés.
Ce n’est donc pas par hasard si les romans, films et dramas coréens montrent rarement des familles heureuses entretenant des relations saines. Les familles sont au contraire sujet à des conflits et des déchirures, à des événements tragiques… Les tensions familiales sont au coeur de l’écriture de l’auteure. Elle va continuer d’écrire sur ce sujet car il concerne tout le monde. Chacun en fonction de son enfance se pose des questions existentielles et s’en pose également quand il devient parent. Ces rapports tendus sont une réelle source d’inspiration.
Une illustration personnelle
Seo Mi-Ae témoigne de sa situation intime pour appuyer son propos. Issue d’une famille nombreuse, elle n’a que peu profité de ses parents, trop souvent absents à cause de leur travail. C’est sa grande sœur qui va s’occuper d’elle. Elle se construit donc sans possibilité de se révolter de sa condition car les adultes ne sont pas présents pour entendre ce sentiment. Seo Mi-Ae se rend vite compte que dans la société coréenne, le regard posé sur les personnes varie en fonction de leur sexe. Cette grande différence de traitement, Seo Mi-Ae et sa sœur vont en être les victimes. Si une occasion spéciale se présente, leur mère achète de nouveaux vêtements pour leurs frères mais pas pour elles. De même, elle ne se présente pas aux cérémonies de fin d’études de ses filles mais se rend à celle de ces fils.
Cependant, cette construction enfantine avec des parents peu présents n’a pas eu que des aspects négatifs. Seo Mi-Ae admet que contrairement à d’autres enfants, elle n’a pas eu à subir une multiplicité de règles et de contraintes. Elle a donc pu jouir d’une certaine forme de liberté. L’auteure reconnait, pourtant, qu’une partie d’elle n’a pas grandi mais grandit dans l’écriture.
C’est donc tout ce questionnement des rapports familiaux qui sert de cœur et de moteur aux livres de Seo Mi-Ae mais pas seulement.
La veine du thriller
Considérée en France comme la reine du polar coréen, Seo Mi-Ae puise également son inspiration dans les rapports humains et notamment les rapports entre hommes et femmes. Emprise, violence, harcèlement, crime font partie du quotidien des sociétés. Plus de 80% des victimes de ces faits sont des femmes. Ce n’est pas pour les dénoncer que l’écrivaine les utilise dans ces livres mais par besoin de parler de son expérience. Si un homme et une femme vivent dans un même espace, leurs ressentis différent et les placent dans deux mondes bien distincts. Une femme qui marche dans une rue déserte le soir se sentira très vite en danger et est en alerte permanente. Un homme sera plus serein dans les mêmes conditions. Cela se passe en Corée mais partout ailleurs dans le monde.
Ayant eu accès à de nombreux documents criminels, dans le cadre de son travail, et ayant eu l’occasion d’écrire de nombreux scénarios sur le sujet, la fibre du thriller s’est imposée naturellement dans ses livres.
Seo Mi-Ae ne cherche pas à plaire, elle raconte une histoire intéressante pour elle et si elle plait aux lecteurs, c’est tant mieux. Et si en plus, ses livres donnent à réfléchir, c’est encore mieux. Ce qui est sûr pour elle, c’est qu’ “Un roman ennuyeux est un crime !”, adage qui se trouve sur le bureau de sa chambre.
Une vision différente du criminel
Si le lecteur peut être surpris par une certaine complaisance vis-à-vis des criminels, Seo Mi-Ae explique que sa compréhension de l’humanité a évolué chez elle. Si au départ, en aucun cas, elle ne pouvait comprendre un crime quelles que soient ses raisons, sa perception a désormais changé. Elle affirme que personne ne nait criminel, ce n’est pas un destin. Il y a un moment donné où il va y avoir une bifurcation et elle insiste sur le fait que l’enfance a une part décisive dans cette bifurcation. Avec le temps, sa vision du meurtrier est devenue différente, plus humaine.
Les rencontres avec les lecteurs étrangers lors de voyages la font réfléchir. Le Mal reste cependant universel et elle ne prétend pas avoir assez de talent pour écrire en fonction des lecteurs. Elle reste elle-même avec ses convictions, même si selon les pays, il y des attentes différentes.
Scénariste ou auteure ?
Seo Mi-Ae a commencé à écrire en même temps qu’elle a débuté son travail de scénariste. L’écriture de scénarios a naturellement influencé son travail d’auteure. C’est souvent entre deux projets de films qu’elle écrit ses romans. Il y a inconsciemment une interaction entre les personnages des films et des romans. Comme pour un film, elle imagine plusieurs scénarios pour ses livres. Un personnage féminin s’étudie sous plusieurs aspects et plusieurs angles par exemple. Une femme peut être à la fois fille, mère, épouse, amante.
A l’ère de l’image plus que celle de l’écriture, les lecteurs de la Coréenne peuvent concevoir des images en la lisant et avoir une vision 3D de ses histoires. Elle recommande d’ailleurs aux jeunes auteurs d’utiliser cette approche tridimensionnelle. Son premier livre paru en France, “Bonne Nuit Maman” va d’ailleurs être prochainement adapté sous forme de drama par CJ Entertainment.
Les futurs projets
Après avoir terminé l’écriture de sa trilogie, Seo Mi-Ae envisage d’écrire une histoire d’amour entre un tueur en série et une femme qui essaierait de l’aider à changer. Elle a aussi un scénario de thriller-science- fiction de côté aussi. Elle sera donc bien occupée jusqu’à 2024 !
Seo Mi-Ae reçoit beaucoup de pression de son éditeur coréen et de ses lecteurs pour l’écriture du troisième tome de sa trilogie qui viendra compléter “Bonne Nuit Maman” et “Chut C’est Un Secret” . Cependant, il y a eu dix ans d’écart entre les deux premiers tomes car, à l’origine, “Bonne Nuit Maman” n’attendait pas de suite. Rassurez- vous, l’écrivaine est en pleine écriture du troisième et dernier tome et son manuscrit devrait être achevé pour le début de l’année prochaine. Quant à avoir plus de précisions sur ce dernier, l’auteur nous répond: “Chut C’est Un Secret”!
Pour plus d’informations, nous vous invitons à vous rendre sur le site de Seo Mi-Ae ( version en anglais) : https://seomiae.com/en
Et sur le site de son éditeur français Matin Calme : https://matincalme-editions.com/