Vendredi 5 mai. Namhae.

Cher(e) correspondant(e),

Celà fait bien longtemps que nous n’avons pas correspondu. Je suis allé où le soleil n’a plus pieds, là où la terre s’arrête, là où le temps n’a d’emprise que sur la jeunesse.

Je viens de ces montagnes, tellement difficiles à gravir pour ceux qui ne sont pas d’ici. Enfants, nous les grimpions avec peu, à peine des chaussures et un short. Nous allions là où nos montagnes perçaient les nuages. Là où une roche semblait humaine. Là où les brumes amenaient du mystère. Mon regard, entre deux pas de course, croise beaucoup de Coréens du weekend, suréquipés. Mon souffle rythme mes pas. En haut de cette randonnée de 10 kilomètres, un temple, où j’allais, enfant. Un temps, où mes mains n’étaient pas encore aptes à accrocher la roche.

Ici. Tout est différent. Vous ne verrez peut-être que la Corée, mais c’est bien plus. Les Coréens des montagnes ou des côtes, sont rudes, directs, mais doté de ce cœur. Un cœur de dragon, parfois perdu, vaillant, rugueux, tendre, maladroit. Ils peuvent vous détruire autant qu’ils peuvent vous protéger comme une louve.

Assis sur des chaises en plastique, les odeurs se mélangent au grès du vent et de la mer. Lorsque nos sourires sont échangés, le partage commence. Je les regarde danser, chanter de vieilles chansons… en connaissant leur vie. Dure. Intolérante. Tout est oublié autour d’un makkeoli fait par almonni, et d’une haemulpajeon faite par madame, pendant que monsieur, fait le spectacle. Il sait qu’il est regardé, il guette mon sourire qu’il prend comme une récompense.

Ici. Les lames de fond. Les larmes de fond. L’écume de la vie éclabousse par la nécessité de vivre simple. Et pourtant, ici, il y a plus de sourires qu’à Séoul, le New York de Senghor.

Votre R.

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