Philip Ahn fut un des plus célèbres acteurs asiatiques du début du vingtième siècle. Fils de migrant indépendantistes coréens, il naquit et grandit aux Etats-Unis d’Amérique où il fit sa carrière d’acteur. D’abord cantonné à des rôles stéréotypés, il grimpa les marches jusqu’à accéder à des rôles plus proches de ses convictions.
Biographie
Philip Ahn (안필립) est né le 29 Mars 1905 à Los Angeles. Son père, l’instituteur Ahn Chang-Ho (안창호) se rend aux Etats-Unis le 03 Septembre 1902, avec son épouse Lee Hye-ryeon (이혜련). Le couple s’était marié la veille de leur départ. Le couple, s’installe aux Etats-Unis où Ahn Chang-Ho cherche à valoriser la communauté coréenne, mal perçue et peu considérée. Il tente d’apprendre l’anglais mais les écoles le refusent sous prétexte de son âge.[1]
Il parvient cependant à apprendre la langue du pays qui l’accueille et s’engage activement auprès de la communauté coréenne à Hawaï puis à San Francisco. Le 29 Mars 1905, son premier fils, Philip Ahn naît à Los Angeles suivit d’une fratrie de cinq enfants dont Pilsun Ahn, Susan Ahn, Soora Ahn et Pilyoung Ahn[2].
Mais après le traité d’Eulsa par lequel le Japon impose un protectorat sur la péninsule coréenne, Ahn Chang-Ho décide de retourner et de lutter en Corée. L’enfance de Philip Ahn fut profondément marqué par l’engagement politique de ses parents, protestants convaincus et indépendantistes acharnés.[3] Sa cadette, Susan, s’engagera d’ailleurs dans la marine américaine avant de devenir la première officière d’artillerie. Quelques années plus tard, elle intégrera la NSA et fera carrière dans la sécurité et le renseignement.[4]
Philip Ahn, de son côté, grandit et découvre le cinéma. Encore lycéen, il visionne le Voleur de Bagdad et rencontre Douglas Fairbank qui lui donne un l’opportunité de s’essayer à jouer devant une caméra. En 1923, alors qu’il n’est âgé que de 18 ans, il rejoint la Young Korean Academy pour qui il cultive les champs de riz et milite pour l’indépendance de la Corée. Mais une mauvaise année de récolte l’endette si bien qu’il n’a d’autre choix que de partir travailler en tant que groom à Los Angeles.
Une carrière hollywoodienne
Dix ans passèrent durant lesquels Philip Ahn travailla pour soutenir sa famille. Son rêve de devenir acteur semblait alors s’éloigner d’autant que ses parents ne voyaient pas cette profession d’un bon oeil. Sa mère qui n’appréciait pas le rêve de son aîné aurait ainsi dit : “Aucun de mes fils ne sera mêlé à ces gens horribles”.
Finalement, son père, Ahn Chang-Ho, devenu depuis les années 1910 un important indépendantiste voyageant entre la Corée et les Etats-Unis, la prison et l’air libre, accepta que Philip Ahn puisse s’essayer aux métiers du cinéma. Il l’aurait poussé à rejoindre l’University of Southern California, que Philip Ahn rejoint en 1934, tout en lui intimant d’exceller dans sa passion si c’était la voie qu’il choisissait.
Les débuts de Philip Ahn ne furent guère aisés.[5] On lui refusa plusieurs rôles sous prétexte qu’il parlait trop bien anglais. Il commença donc en figurant puis rôle secondaire. En 1935 il joue dans son premier film, A Scream in the Night mais son nom n’apparaîtra dans les crédits qu’en 1936 avec Stoawaway. Dès lors, il joue des personnages plus étoffés comme dans Daughter of Shanghai où il forme le premier couple romantique asiatique sur écran américain avec Anna May Wong. Une rumeur avait d’ailleurs circulé à la sortie du film laissant croire que les deux acteurs qui étaient aussi amis d’enfance vivaient une réelle romance. Mais tous deux démentirent les faits.[6]
Le cinéma suivant les rythmes de l’histoire, Philip Ahn se vit proposer des rôles de méchants japonais durant la Guerre du Pacifique. Confondant l’acteur et le rôle, certain spectateurs lui envoyèrent même des lettres de menaces de mort. Qu’à cela ne tienne, Philip Ahn s’engagea dans l’armée américaine pour laquelle il servit en tant qu’artiste. Quelques décennies plus tard, il se rendit au Vietnam pour soutenir les troupes américaines et coréennes.
En 1945, Philip Ahn se voit proposer l’interprétation d’un rôle de médecin coréen dans l’adaptation de China Sky du romancier Pearl Buck. C’est le premier rôle d’un personnage coréen dans un film américain. Suivront de nombreux rôles, notamment durant la guerre de Corée, alors qu’Hollywood accorde de l’attention à la péninsule et produit plusieurs films en lien avec le conflit.
Dans les années 1950, Philip Ahn aurait envisagé de venir s’installer en Corée du Sud afin de participer à l’essor du cinéma Sud Coréen. Mais sa famille étant originaire du Nord de la péninsule et ayant migré aux Etats-Unis en 1902, il savait que son accent et parlé ne serait pas accepté en Corée.
À la place, Philip Ahn commença sa carrière à la télévision. Il joua dans plusieurs séries mais son rôle le plus notable fut celui de maître Kan dans la série Kung Fu (1972) qu’il interpréta jusqu’à sa mort en 1978.
L’autre Philip Ahn
Philip Ahn, à l’instar de son père, travailla sa vie durant à développer les ponts culturels entre la Corée et les Etats-Unis. En 1967, les villes de Busan et de Los Angeles devinrent des “villes sœurs” grâce, entre autre, à son l’implication.[7] En 1976, la ville américaine reçoit aussi la fameuse cloche coréenne de l’amitié que l’on peut encore visité à San Pedro.[8]
Par ailleurs, Philip Ahn s’est évertué à rassembler les dépouilles de ses parents. En effet, Ahn Chang-Ho mourut en 1938 durant un énième emprisonnement par l’armée japonaise. Il mourut sans être retourné aux Etats-Unis qu’il avait quitté en 1926. Il ne connut d’ailleurs jamais son dernier fils, Pilsun Ahn, né après son départ. Après le décès de sa mère, Philip Ahn fit tout son possible pour enterrer ses parents ensemble. Travaillant avec le gouvernement coréen, il fit établir un parc à l’honneur de son père et y dressa la sépulture de ses parents.
Philip Ahn s’essaya aussi à la restauration en ouvrant avec sa cadette Soora, le restaurant Phil Ahn’s Moongate Restaurant, à Panorama City. Celui-ci servit des plats de 1950 à 1990, date de sa fermeture définitive.
Philip Ahn aujourd’hui
Durant sa carrière, Philip Ahn a joué de nombreux rôles souvent très stéréotypés allant des personnages de types “péril jaune”, au vieux maître de la sagesse asiatique. Comme de nombreux acteurs racisés de son époque, Philip Ahn a su jouer avec intelligence avec les archétypes qu’il devait présenter à l’écran. C’est dans sa vie personnelle et son engagement vie à vie de la communauté coréenne de Californie, que l’acteur se démarqua. D’éducation presbytérienne, il concilia sa foi religieuse avec ses convictions politiques. En 1984, Philip Ahn vit inscrire à titre posthume son nom sur la Hollywood Walk of Fame. Il fut le premier acteur américano-asiatique à recevoir cet honneur. Sa mémoire est aujourd’hui reconnu aussi bien aux Etats-Unis qu’en Corée.
Sources :
[1] Encyclopédie Doopedia, Ahn Chang-Ho
[2] Blog Naver, La fille aînée de Ahn Chang-Ho, Susan Ahn et son fils aîné Philip Ahn, 2016
[3] Encyclopédie Naver, Ahn Chang-Ho
[4] Korean Quaterly, Asian American documentary, 2020
[5] WikiMili, Philip Ahn, 2020
[6] Archives newspaper, Herald Journal, Oct 1937
[7] Parrainage Los Angeles Busan, site de la ville Busan
[8] Korean Bell of Friendship, site internet de San Pedro
https://www.ecosia.org/images?q=%EC%95%88%ED%95%84%EB%A6%BD+1905