10247284_10204406281023969_4202675642817426850_n

Au Cochon porte bonheur
De Kim Jong-ryeol
Illustrations de Kim Suk-kyeong
Picquier jeunesse – 12,80 €
À partir de 9 ans

Dans la ville d’Azalée, qu’on imagine quelque part en Corée du Sud mais qui pourrait tout aussi bien se trouver n’importe où. Dans la ville d’Azalée, disais-je, on annonce l’ouverture prochaine d’une intrigante petite boutique appelée Au Cochon porte-bonheur.

« Azaléens ! La chance vous attend au Cochon porte-bonheur. Venez nombreux et emportez l’article de votre choix sans débourser un sou. Parole de Cochon porte-bonheur ! »

10257695_10204406284144047_5190683849336713601_n

L’annonce fait rapidement le tour de la ville. On ne parle très vite plus que de ça. Les interrogations sont de plus en plus nombreuses. Et on commence même à s’impatienter. On fait la queue pendant des jours en espérant que le magasin ouvre enfin. Bref, on ne sait rien et on veut tout savoir !

« Distribution gratuite de chance
à dix personnes par jour.
Le Cochon porte-bonheur »

De plus en plus de gens piétinent devant la porte d’entrée. Jour et nuit. Car tout le monde veut être l’un des rares chanceux annoncés dans les publicités.
Lorsque le magasin ouvre enfin ses portes, c’est pour une durée quotidienne très limitée. Les tensions montent car les places sont très chères. Petit à petit la bonne humeur apportée par la nouveauté se transforme en angoisse puis en état d’alerte. La véritable nature des gens reprend le dessus : individualisme poussé à son paroxysme, jalousie, avarice, indiscipline… En un mot comme en cent, l’Homme redevient sauvage.
Et au milieu de cet état de crise, un seul être reste lucide. Le jeune narrateur qui, interpellé par toute cette affaire, semble être le seul à avoir relevé un détail somme toute inquiétant.

10259211_10204406285904091_8671679532155850668_o

« Tout cela ne dit rien qui vaille. Il y a quelque chose de louche dans tout ça. »

La vie se transforme sans que personne n’y prête attention. La ville toute entière – son fonctionnement – est bousculée et finalement régie par cette mystérieuse boutique.
Les libertés sont de plus en plus restreintes pour tenter de maintenir un semblant d’ordre. À tel point que le personnage principal ne peut plus vivre comme un enfant de son âge devrait être en droit de le faire. Tout ça à cause de la folie des adultes…

10251956_10204406283664035_1431987039710341297_n

Kim Jeong-ryeol, avec ce roman fantastique (par petites touches), nous offre une vision satirique de notre mode de vie actuel. Consumérisme, matérialisme, individualisme. Le constat n’est pas reluisant. Mais heureusement, le jeune narrateur incarne une forme d’espoir. Son anonymat nous laisse d’ailleurs penser qu’il peut, avec un peu d’effort, être en chacun d’entre nous.

« Le plus important, c’est la peine que l’on se donne. Si vous hésitez encore devant le coffret magique, suivez mon conseil : ce souhait que vous portez en vous, faites tout votre possible pour le réaliser vous-même. Même si la chance se refuse à vous, il restera toujours quelque chose de vos efforts, et c’est cela qui compte par-dessous tout. » (Préface de l’auteur)

Si a priori l’histoire contée semble sombre et accablante, l’auteur réussit en réalité à la dédramatiser. Il parvient à rendre l’ambiance suffisamment inquiétante pour que le jeune garçon mène l’enquête, mais il désamorce la tension par de nombreux dialogues et quelques stratagèmes amusants. Les surnoms et les descriptions physiques des personnages sont toujours très drôles. Ainsi le teinturier se nomme en fait M. Fort en Gueule, le policier La Terreur des Malfaiteurs, la maîtresse Mme Taisez-vous…

988858_10204406282944017_5935322306902306321_n

Les illustrations de Kim Suk-kyeong contribuent également à ce mélange de bizarreries et d’humour. L’association texte-image est très réussie.
Le coup de crayon de l’artiste ainsi que l’étonnante occupation des pages par les dessins apportent un dynamisme incroyable au récit.

En quelques pages très fluides – 113 pour être exacte, 12 chapitres, Kim Jong-ryeol réussit à transmettre beaucoup de choses et quitte le lecteur sur une fin ouverte qui laisse largement la place à la réflexion.
Et si vous souhaitez vous aussi savoir enfin ce que vend cette fameuse boutique du Cochon porte-bonheur… il faudra lire le roman !

Illustrations de Kim Suk-kyeong extraites de
Au Cochon porte-bonheur
© Picquier Jeunesse, 2013 pour la version française
© Darim Publishing Co., 2006 pour la version coréenne