2movie_imageDerrière le titre étrange Mai Ratima (que je veux toujours appeler « My Retina »…), qui sort cette semaine, se cache un premier film plus qu’étonnant. C’est même un jalon dans une histoire naissante du cinéma coréen et son rapport avec les étrangers vivant sur son sol. Le film fera parler de lui parce que c’est le premier d’une figure bien connue du cinéma coréen, Yoo Ji-tae. C’est un peu le Georges Clooney coréen, celui qui a “la classe” dans tous les domaines et juste tu t’inclines. Il avait été révélé avec son rôle inoubliable de méchant dans Oldboy.

Le Georges Clooney coréen?

1movie_imageYoo Ji-tae est beau à faire s’évanouir les filles, certes ce n’est pas original, mais il y a « beau » et « ah ouais, il est beau, quand même ». A l’instar d’une Jeon Ji-hyeon, il dépasse d’une tête toute une assemblée de coréens, avec l’aura de ceux qui ont « star » écrit sur le front. En plus, il est réalisateur (et pas sorti de nulle part, il avait fait un court métrage remarqué). Enfin il se lance avec un sujet difficile, pas commercial, profitant de sa notoriété pour avoir une carte blanche qui aurait été refusée à n’importe lequel autre jeune réalisateur avec le même scénario.

Choix vraiment courageux, en effet, que cette histoire d’amour comme sortie d’un film social français, entre un pauvre glandu de province et une étrangère immigrée en Corée, une Thailandaise, la Mai Ratima du titre. Elle va coller aux basques du mec (elle n’est même plus collante que touchante, au début) et vivre un amour chaotique, surtout que la nature d’homme bêta pousse son nigaud vers une jolie entraineuse de bar.

Une héroïne Thaïlandaise

Le pitch est lourdement mélo, et c’est un challenge supplémentaire que s’est fixé Yoo Ji-tae, de même que Georges Clooney s’était attaqué à réaliser des films « politiques de gauche » : il faut éviter nombre d’écueil du genre fixé, ici le gros mélo que nombre de films coréens illustrent avec des torrent de larmes pénibles. Mai Ratima détonne par sa retenue, avec des scènes qui rappellent la justesse des grands films sociaux de Lee chang-dong, ou ceux des premiers Kim Ki-duk, quand il faisait plus de cinéma et moins de provoc. Le film a assurément des maladresses, quand Yoo Ji-tae essaie de se trouver un style original et se plante comme un débutant qui fait joujou avec le montage. Mais rien de vraiment raté. Le festival du film asiatique de Deauville lui a d’ailleurs décerné un très mérité Prix du Jury.

movie_imageOn peut aussi regretter que le rôle de la Thaïlandaise soit joué par une coréenne (la débutante Park Ji-soo), ce côté « blanc grimé qui joue un noir » comme dans les années 30. Cela rend la performance remarquable, mais montre aussi les limites de l’ouverture du cinéma coréen aux étrangers. Punch (완득기) avait pourtant montré une voie intéressante avec le casting de Jasmine Lee, philippine vivant en Corée (et première députée étrangère du parlement coréen), pour le rôle de la mère du héros. De même, le très réussi Banga Banga 방가방가 nous plongeait dans les communautés des travailleurs d’Asie du Sud Est, avec un des meilleurs scénario de ces dernières années et quelques « vrais » étrangers.

Reste qu’une star du cinéma coréen a fait d’une Thaïlandaise pauvre son héroïne de premier film et l’a titré avec son nom forcément difficile à retenir (enfin heureusement qu’elle s’appelle pas Apichatpong Wheerasethakul, ceci dit en tout humour pour mes adorables amis thailandais et leurs noms poétiques). Si le film est un succès, ce sera une bonne nouvelle, pas seulement pour le cinéma, mais aussi sur le degré d’ouverture de la société coréenne. Il ne faut pas se leurrer, Mai Ratima peut très bien être cantonné à quelques cinéma art et essai, ce n’est vraiment pas un film évident. De toutes façons, on retiendra la classe de Yoo Ji-tae : user de sa notoriété pour aider à changer la vie des autres et même pas de sa beauté pour se donner un rôle.