IMG_6486

Véritable ambassadrice de la culture française en Corée du Sud depuis une vingtaine d’années, Ida Daussy est adulée par les Coréens mais encore assez méconnue des Français. Mais qui se cache derrière cette femme à qui tout semble réussir ? Inside Corea a souhaité le découvrir et a pu interviewer Ida Daussy qui a gentiment accepté de répondre à ses questions, sans langue de bois, à L’Atelier du saint-Ex.

Inside Corea : Comment avez-vous découvert la Corée ?

Ida Daussy : C’est tout simplement dans le cadre de mes études universitaires. Je préparais une maîtrise de commerce international et je suis partie faire un stage à Busan pendant trois mois, dans une manufacture de chaussures. Et là, « Boum », je suis immédiatement fascinée par ce pays à la fois dynamique, accueillant, traditionnel et moderne. Si j’ai choisi de m’orienter vers une filière asiatique et notamment coréenne, c’est certainement parce que l’Asie était ancrée dans ma vie depuis longtemps. Du côté de ma grand-mère maternelle, il y a eu beaucoup d’officiers qui ont participé à la guerre de Chine. La maison de ma grand-mère débordait donc de chinoiseries que j’ai toujours appréciées.
Le choix de la Corée lors de mes études est venu naturellement. En 1989, le pays sortait des Jeux Olympiques et faisait vraiment bonne figure quand on savait d’où partait ce pays. La Corée, l’un des cinq dragons de l’Asie tout de même ! Un pays que j’avais envie de découvrir et cela tombait bien puisque ma faculté venait justement de créer un cursus coréen. Trouvant mon expérience de trois mois dans ce pays insuffisante, je me décidais à y préparer un DESS afin de pouvoir y passer un an supplémentaire. Je suis partie en Corée et ne suis plus jamais rentrée.

Inside Corea : S’intégrer en Corée, est-ce que cela a été facile pour vous ?

Ida Daussy : Je dirais dans un premier temps que pour pouvoir survivre en Corée, parler anglais est indispensable à court terme. Dans mon cas, mes études me destinaient à une carrière en lien avec la France et la Corée et mon compagnon rencontré à l’université était coréen. Il m’a paru indispensable de faire l’effort de parler coréen. J’ai pris des cours à l’université de Yonsei pendant deux ans tous les matins. Je dois dire que je n’étais certainement pas la meilleure élève. De plus, je travaillais en même temps : je donnais des cours de français l’après-midi et même le soir.
Ma pratique de la langue coréenne et mon vocabulaire se sont nettement améliorés quand j’ai commencé à travailler pour la télévision. J’ai ainsi travaillé pour EBS pour donner des cours de français puis le couple mixte que je formais avec mon mari a séduit KBS et SBS. On m’a proposé d’incarner mon rôle à la télévision en compagnie d’un comique qui imitait mon mari. C’était en live et je peux vous assurer que j’avais peur. Les équipes avec lesquelles je travaillais ne parlaient ni anglais ni français bien entendu. Je recevais d’ énormes scripts. J’ai passé des heures et des heures à travailler de nouveaux sujets, à chercher du vocabulaire, à le mémoriser mais cela a été une expérience très formatrice pour moi. Et parler la langue locale est un facteur indéniable à une meilleure intégration.

IMG_6414

 

Inside Corea : En tant que femme de culture différente, comment percevez-vous l’évolution de la femme dans la société coréenne depuis votre arrivée ?

Ida Daussy :La femme est beaucoup plus émancipée, c’est indéniable. J’apporte un bémol en précisant que je parle de la femme de Séoul. La femme de province évolue dans un environnement encore très attaché aux us et coutumes. Si lors de mon arrivée, 80% des étudiantes universitaires ne pensaient qu’à se marier et à avoir des enfants, aujourd’hui, 80% des étudiantes aspirent à une carrière professionnelle, à des expériences en Occident et à l’amour. Désormais, on constate que famille et enfants ne sont plus une priorité.
Les femmes ont réussi à pénétrer dans de plus en plus de secteurs sociaux et économiques : fonctionnaires, juges, avocates, enseignantes… Cependant, lorsqu’il s’agit de postes décisionnels comme dans les conseils d’administration d’entreprises, la politique, nous sommes vraiment loin de la parité. Celles qui ont réussi à y accéder ont souvent dû sacrifier leur vie privée et familiale. La présidente coréenne actuelle Park Geun-Hye illustre parfaitement mon propos.
La société change malgré tout. Et il n’est plus rare de voir des hommes s’occuper de leurs enfants de nos jours. La Corée est en période de transition.
En ce qui me concerne, j’ai pu trouver un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle qui m’a toujours satisfaite et cet équilibre est très important pour moi.

 

IMG_6425

Inside Corea : Quels sont pour vous les sujets prioritaires à aborder en Corée, pour faire évoluer ce pays de manière positive ?

Ida Daussy : Je pense que même si des efforts sont faits en matière de parité, il reste encore beaucoup de travail dans ce domaine. Si la différence salariale en France entre un homme et une femme peut atteindre jusqu’à 20%, en Corée il peut y avoir jusqu’à 40% de différence… Comme je le disais précédemment, les Coréens ont encore beaucoup de difficultés à confier des postes clés à des femmes. Il s’avère que les femmes ont un plus gros taux de réussite aux examens que les hommes. Et pourtant, la femme coréenne est encore obligée de faire un choix. Beaucoup de femmes trop diplômées peinent à trouver un partenaire. Il faudrait que cela change.
Un autre sujet pour moi très préoccupant est celui de l’éducation sexuelle. Combien d’enfants sont encore abandonnés dans le pays car souvent nés de filles trop jeunes… L’éducation sexuelle reste un sujet tabou mais est pour moi un devoir national. J’avais fait un tollé dans les médias lorsque je disais que j’avais parlé de préservatif à mon fils alors âgé de 15 ans. En quoi le sexe est-il une mauvaise chose ? Cela fait partie de la vie et contribue au bien-être de chacun. Aimer, se protéger, qu’il y a t-il de mal ? Éduquer pour éviter toutes les dérives : adoptions, avortements, maladies… C’est vraiment urgent !

Inside Corea : Revenons à vous plus en détails ! Que fait Ida Daussy aujourd’hui ?

Ida Daussy : Beaucoup de choses ! Je continue de m’occuper de mes deux garçons comme je l’ai toujours fait par le passé et je poursuis ma route. J’ai toujours plusieurs activités à la télévision mais moins qu’avant. Je suis souvent sollicitée sur des sujets de société : art de vivre, culture, éducation… Je suis également administratrice de la Chambre de commerce et d’industrie franco-coréenne (FKCCI). Depuis l’année dernière, j’enseigne les multimédias et le business à l’université de Sookmyung. J’en profite pour faire une parenthèse à ce sujet. Ma nomination à ce poste d’enseignante a créé une mini-polémique au sein de la communauté française de Corée qui m’a vraiment blessée.. Je tiens à redire aux mauvaises langues que j’ai déposé un dossier et passé un entretien dans les règles comme les autres postulants. J’ai travaillé dur comme tout le monde… Je comprends la déception de certains mais de là à me menacer ou à m’insulter… Je ferme cette parenthèse.
Pour finir, j’ai monté ma société : IDADAUSSY.COM. Dans celle-ci, je propose mes services pour du télé-shopping (cela fait fureur en Corée), de l’animation de spectacles et de galas et du consulting (séminaires interculturels et conférences pour comprendre les coutumes des uns et des autres dans le monde de l’entreprise).

 

IMG_6489

 

Inside Corea : Pour finir, pouvez-vous partager vos coups de cœur coréens et français avec nous ?

Ida Daussy : Mais il en y a trop ! Je me lance pour la Corée :
–le village d’Ichon bien connu pour ses poteries et dont je suis l’ambassadrice ; à découvrir absolument le temps d’un week-end avec ses fours, son marché, ses bains à l’eau vertueuse, son riz particulièrement savoureux…
–le village d’Andong pour ses masques et son côté très traditionnel
–les bains et les massages coréens. J’en suis devenue une inconditionnelle. Ne pas hésiter à se rendre dans des centres de sources naturelles. Sur la côte est, l’eau peut être gazeuse ou aromatisée. Les rois et les reines appréciaient déjà les bains et la chaleur, jadis, et se soignaient souvent avec. Une tradition coréenne qui a perduré pour mon plus grand bonheur.

Pour la France :

–l’art de la table : recevoir des amis chez soi, leur préparer un bon repas avec des bons produits du marché, passer du temps à table à discuter, partager ensemble sans aucune pression extérieure… vivre !
–l’amour : il n’y a pas d’âge pour aimer en France… l’amour est accessible à tous à n’importe quel moment de notre vie. C’est important pour le moral, je ne cesserai de le dire. Je regrette qu’en Corée, l’amour ne semble réservé qu’aux 20-30 ans. C’est trop tard et pas important ensuite d’après les Coréens. C’est mal connaître ce dont notre corps et notre âme ont besoin…

Inside Corea : Nous vous remercions sincèrement d’avoir partagé ce moment en notre compagnie. Nous ne manquerons pas de suivre votre actualité et vous souhaitons beaucoup de réussite dans vos futurs projets.

Propos recueillis par Caroline Boullay

Photos : Dior Sa (Le French Code)

Pour en savoir plus sur Ida Daussy :

–son livre : Ida au pays du Matin Calme publié chez JC Lattès

ida
–sa page Facebook officielle : https://www.facebook.com/pages/Ida-Daussy-%EC%9D%B4%EB%8B%A4%EB%8F%84%EC%8B%9C-LOfficiel/120756401433580?fref=ts
–sa société  de communication : www.Idadaussy.com (en travaux pour le moment)

Remerciements à Benjamin Joinau !

L’Atelier du Saint-Ex : https://www.facebook.com/atelierdusaintex?fref=ts

 

tiqueté dans :

, , , ,