HDLA

 

La poupée coréenne.

Petite, je rêvais d’indépendance, d’une vie anormale pour mes amies et moi faite de voyages, d’aventures, de paysages différents de mon Busan natal. Je rêvais de voir les tours de Dubaï, la tour Eiffel, de manger des bretzels en Allemagne, de voir la tour de Pise, de sentir l’ambiance des pays anglo-saxons. Ma vie était tellement simple, déjà réglée, déjà tracée, presque dictée.

“Tu feras des études de langue ma fille, et tu épouseras un garçon coréen de bonne famille.”

Alors, j’ai commencé à regarder le monde parce que le mien ne me convenait pas.

J’ai été la fille sage et parfaite jusqu’à la fin de mes études d’anglais. Beaucoup de mes amies m’enviaient et m’envient encore. Parler une autre langue, être libre, populaire et plutôt jolie…

La liberté a un prix. Celui d’être une poupée, enviée, désirée… et donc d’être entre l’enclume et le marteau. Etre entre les désirs les plus embarrassants des hommes et la jalousie des femmes.

Lorsque je me suis présentée à Korean Air, j’ai fait un vol direct, sans escale vers la dépression. La douane de l’entretien m’a expliqué que je ne passerai pas le portique de sécurité de la beauté. Ils recherchent des filles plus fines, plus grandes, plus belles, avec un petit visage, belles sans être trop maquillées, avec un petit visage, comme une poupée qui dégage un sentiment érotique mais pur. Je n’étais donc pas assez pure…

“Vous faites professionnelle. Ce n’est pas ce que nous recherchons. Perdez du poids, faites quelque chose pour votre visage, et revenez.”

Une amie de ma promotion est chez Korean Air actuellement. Leur jupe  est blanche et quand elles sont indisposées… c’est apparemment l’enfer. Le rythme est tellement intense que leur condition physique s’en trouve affecté. Et… les clients ivres, ne sont pas simples à maîtriser avec leur mètre 70 et leur 50 kilos.

Je travaille pour une compagnie arabe… et rapidement j’ai compris qu’avoir des aventures avec des pilotes vous met directement sur des long courriers… avec donc des conditions de travail plus intéressantes… et la sécurité de l’emploi.

Certains clients masculins me demandent de leur retirer leurs chaussures, me scrutent, essaient d’avoir des contacts physiques… Le métro de Séoul de luxe. Les femmes nous rabaissent parfois.

Ils sont loin mes rêves d’enfant. Busan me manque parfois. La mer qui caresse le sable, l’air qui caresse mes joues, jamais assez minces…

Je retourne à mon travail, je vais sourire et vous servir, faire croire au rêve d’un monde idéal. A tout de suite.

Ryosei